Ceci Est Ton Corps – Journal d’un dénuement

de Gabriel RINGLET

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Présentation de l’éditeur

« “Ceci est mon corps… donné pour vous.” Mais ton corps à toi, à qui et à quoi est-il donné ? Comment vais-je l’arracher à la mort ?
Je parle d’abord, concrètement, d’un corps qui est là, dans un fauteuil, sur un lit, à table parfois, souvent douloureux, lumineux aussi. … Un corps plus habité encore, plus vivant quand les souffles s’amenuisent et que je dois tendre l’oreille pour entendre la légèreté de leurs murmures.
Ce corps-là, je l’accompagne. N’est-ce pas chose précieuse déjà, puisque l’accompagnement au sens étymologique – cum pane – est un partage du pain ? Un viatique. Ceci est ton corps et je fais route avec lui. »

Dans ses essais, Gabriel Ringlet a toujours cherché à défricher les textes, ceux des Évangiles, des poètes, ou encore ceux des journaux. Il s’agissait de retourner des terres trop longtemps laissées en friche pour les rendre à nouveau fertiles. Avec Ceci est ton corps, ce sont de nouvelles terres qu’il retourne : celles de sa propre expérience et des mots qu’il a confiés à un journal durant des mois. Mais l’œuvre reste la même : rendre à nouveau fertile. Pendant huit mois, Gabriel Ringlet accompagne une femme qui lui est chère – qui partage sa vie, sans que cela soit contraire à son sacerdoce. Un cancer avait été diagnostiqué, il était en passe de se généraliser, les séjours à l’hôpital et les opérations lourdes allaient se succéder. Tandis que le corps de cette femme se brise, c’est à un enfantement essentiel que touche le récit. Dans ce dénuement, les mots du journal prennent alors les sentiers de cette pauvreté consentie, ceux de la fragilité, de la poésie. Et c’est au cœur de ce dénuement qu’il célèbre avec elle une eucharistie, dans une chambre d’hôpital, « Ceci est ton corps ». Ce corps retournera à la poussière, mais, dans cette longue et douloureuse Passion qui s’annonce, il y a aussi les germes de la transfiguration. Ceux-là mêmes que Gabriel Ringlet saisit avec une densité et une sérénité immenses : « Tout au long de sa Passion, une femme fut transfigurée devant moi. »

Extrait

Invitation

Entre le 26 juin 2005 et le 25 février 2006, j’ai accompagné une personne très proche, traversée par un cancer qui allait se généraliser. D’autres ont vécu cette expérience singulière, unique par bien des aspects, et toujours inédite. À chaque fois un chemin à inventer. On ne pourra jamais cloner un accompagnement.
Sur ce sentier au bord du précipice, chacun avance comme il peut. «Ne prenez rien pour la route, disait Jésus à ses disciples, sauf un bâton.» Pour ne pas tomber, j’ai pris mon bâton d’écriture. J’ai ouvert un cahier et chaque soir, ou presque, j’y ai semé quelques cailloux dans le secret espoir de retrouver, plus tard, les traces de mon chemin.
Ces mots mal dégrossis n’étaient pas destinés à être partagés. Surgissant en moi comme dans une sorte d’instinct de survie, je n’avais pas prévu qu’ils quitteraient le journal qui les avait vus naître. N’était-ce pas suffisant qu’ils accompagnent mon accompagnement ? Alors pourquoi les faire sortir de la clandestinité ? Qu’est-ce qui m’a pris de porter au grand jour, au risque de les brûler – de me brûler -, ces paroles de traversée nocturne ?
Avec un peu de recul, je crois comprendre qu’il s’est passé ceci de très particulier, qui ne m’était jamais arrivé : ces mots sauvages et de sauvetage, j’ai vu qu’ils venaient de plus loin que je n’imaginais, que je ne pouvais pas taire ce qui avait grandi dans l’intime de cet accompagnement, qu’il y avait urgence à partager une parole enfouie depuis longtemps au plus profond de mon sacerdoce. Une parole enracinée en terres bibliques, certes, et qui, sans renier le vêtement paysan de sa parenté, espère aussi rejoindre au-delà du clan.
Au départ, donc, un journal «brut de décoffrage», comme me disait un ami. L’expression me paraît très juste. Quand on retire les planches de soutien, on se trouve devant la rudesse d’une écriture mal équarrie. C’est l’écriture surgissement.
Ensuite, j’ai voulu me souvenir. Me souvenir par l’écriture. Me souvenir dans l’écriture et appeler le souvenir à se faire mémoire. Rejoindre mes mots pour découvrir qu’ils n’étaient pas seulement les miens. Chercher des traces de pluriel – oserais-je écrire d’universel ? – dans une poussière si singulière. L’écriture mémoire. Ce n’était pas suffisant. Ou plutôt, c’était bien trop. Trop de mots encore pour dire le «si peu». Alors, je suis entré dans le grand silence monastique. Pour alléger. Je veux dire pour m’alléger. Car comment raconter un dévêtement sans se dévêtir soi-même ? Et sans consentir «au souffle qui dénude» ? L’écriture dénuement.

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